LA NUIT DU CEDRE

TÉMOIGNAGES

Fred pour LESILLUMINEES.COM

5/4/20252 min read

a very tall tree with lots of green leaves
a very tall tree with lots of green leaves

Je n’ai jamais raconté ça à personne, pas même à ceux qui croient tout comprendre des mondes invisibles.
C’était une nuit d’août, l’air tiède et saturé de cigales, la lune pleine comme un œil ouvert sur le secret.
Je venais de traverser des semaines de vide, de fatigue, de questions sans réponse. Je suis sortie marcher, pieds nus, dans le jardin de mon enfance, là où le vieux cèdre tord ses racines sous la terre.

Je me suis assise contre l’écorce, le dos collé au tronc, et j’ai fermé les yeux.
C’est là que ça a commencé : d’abord, une vibration, comme un bourdonnement dans la poitrine, puis dans tout le corps, une chaleur lente, profonde, qui montait des pieds jusqu’au sommet du crâne.
J’ai senti le cèdre respirer.
Je te jure, il respirait.
Son souffle entrait dans mon dos, dans mes poumons, dans mon sang.
J’ai eu peur, une seconde, peur de disparaître, peur de devenir arbre, racine, feuille.
Mais je suis restée.

Alors j’ai vu – pas avec les yeux, mais avec tout le reste – des filaments de lumière, verts, or, qui circulaient entre le sol, le ciel, le cèdre et moi.
J’ai entendu une voix, pas une voix humaine, pas une voix d’ailleurs, une voix qui était aussi la mienne, qui murmurait :
« Tout est relié. Tu es la sève, tu es la pierre, tu es la nuit. »
J’ai pleuré, sans bruit, sans tristesse, juste parce que tout coulait, tout vibrait, tout était là, immense et simple à la fois.

Je suis restée des heures, je crois, ou peut-être juste quelques minutes.
Quand j’ai rouvert les yeux, la lune avait tourné, le jardin était baigné d’une lumière étrange, comme un rêve qui ne veut pas finir.
Je me suis relevée, légère, vidée, pleine à la fois.
Depuis cette nuit, je sais que je ne suis jamais seule.
Le cèdre me reconnaît, et moi, parfois, je sens encore son souffle dans mon dos, quand le monde devient trop lourd.

Je n’ai jamais raconté cette nuit à personne.
Jusqu’à maintenant.